… Acheter Français

par : Bénédicte Michon - Présidente de La France qui bosse

 

Il y a un certain nombre d’années fleurissait sur les devantures de nos commerçants ce slogan : « Nos emplettes sont nos emplois. » C’était réaliste et hélas prémonitoire d’une situation ô combien dégradée depuis. Avec la crise que nous traversons, nos gouvernants incitent à consommer français et on applaudit à ce patriotisme que nos voisins d’outre-Rhin ont toujours appliqué avec succès.

On s’étonne donc en voyant certains achats de l’administration, qu’elle soit nationale, locale, des hôpitaux ou des entreprises parapubliques. Le dernier exemple en date est celui de la Région Ile de France qui vient de décider de délocaliser au Maroc un centre d’appels. Certes, en agissant ainsi, elle gère au mieux son budget mais cela montre combien les règles publiques amènent à brider l’emploi en France.

Pourtant, on ose espérer que les acheteurs publics ne sont pas moins soucieux du problème que l’ensemble des Français et se désolent de cette situation. Pour tenter de trouver des solutions, certaines rigidités doivent être levées.

Au niveau européen tout d’abord. En effet, il ne faut pas sous-estimer le poids de la règlementation européenne. Notre marché n’est plus la France mais le marché unique et toute velléité de protéger la production nationale revient à favoriser l’ensemble des fournisseurs européens. Or, la Communauté européenne se voulant à l’avant-garde d’un monde totalement ouvert, de nombreuses entreprises asiatiques ou américaines sont trop heureuses de s’engouffrer dans cette brèche, au grand dam de nos entreprises qui ne trouvent aucune réciprocité dans ces pays. Vouloir l’ouverture, pourquoi pas, mais la réciprocité doit être là.

Au niveau national, la prise en compte de la taille des entreprises, PME comme ETI, est indispensable. Nombre de marchés leur sont inaccessibles car trop importants pour elles, même en s’alliant à plusieurs. L’exemple le plus extrême a été donné par l’Assistance publique qui, pour renouveler les draps des hôpitaux publics, a cru bien faire en soumettant un seul marché pour l’ensemble des hôpitaux. Mais, en voulant réduire les coûts, elle a empêché les entreprises françaises d’y répondre, aucune n’ayant la capacité suffisante pour le faire.

Le mieux disant est la règle mais, bien souvent, pour être sûre d’être inattaquables, les acheteurs préfèrent s’en tenir au moins-disant, même si les prestations fournies se révèlent de qualité médiocre et donc finalement plus coûteuses à terme. Acheter les bottes de la gendarmerie en Chine plutôt que celles d’un célèbre chausseur français aura été plus économique, mais pour un confort moindre. Tant mieux pour nos gendarmes : la piètre qualité leur fera supporter ces bottes moins longtemps. Et tant pis pour les deniers publics. Dans le même esprit, certains acheteurs publics déplorent la rigidité de budgets annualisés qui les enferment dans une politique de quantité plutôt que de qualité échelonnée sur le moyen terme.

Et enfin, la mesure la plus importante serait d’insérer dans le Code des marchés publics une clause valorisant l’emploi en Europe. Le nombre de postes ainsi sauvegardé serait pris en compte, au même titre que le mieux-disant, dans les appels d’offres.

La Région Ile de France est en train de faire machine arrière à cause des réactions fortes que sa décision a provoquées dans l’opinion publique. Espérons que ce bon sens collectif saura faire évoluer les règles des marchés publics, pour le plus grand bien de l’ensemble de notre économie ainsi que pour les PME et les ETI qui se battent pour conserver les emplois en France.

Bénédicte Michon

Présidente de La France qui bosse

1er août 2013