Les délocalisations

Depuis près de 20 ans, la France subit inexorablement ce phénomène. Il ne s’agit pas d’apporter ici un détail précis de la problématique des délocalisations, mais d’exprimer au travers de quelques chiffres révélateurs l’ampleur du mouvement, et d’en traduire par quelques simples commentaires les conséquences sur le plan des territoires.

En 2009, les délocalisations représentaient 4,5 % du volume global des pertes d’emplois. Pour 2010, ce même indicateur passait à seulement 1,5 %. (source TRENDEO janvier 2011). Ces deux chiffres conduisent à penser que les délocalisations massives sont terminées. Selon le Sénat (Mission d’information sur la désindustrialisation des territoires 2010-2011), l’impact des délocalisations concernerait un volume compris entre 20000 et 30000 emplois. Ce qui semble être un niveau extrêmement faible qui mérite certains ajustements et interrogations.

Au-delà de la simple analyse brute de la délocalisation d’une entreprise, il est nécessaire de s’interroger sur les conséquences collatérales. En 2005, une enquête réalisée par Mercer Management Consulting, ceci auprès de 50 grandes entreprises Européennes pesant 260 Milliards d’euros de Chiffre d’Affaires, faisait ressortir que 42 % d’entre elles – contre 15 % auparavant – avaient décidé de réaliser plus de 10 % de leurs achats dans les espaces dits « low cost ». Au moment de l’enquête, plus de 1 sur 5 y consacrait déjà plus de 20 % de ses volumes d’achats.

Commentaire 1 : la vraie mesure de l’impact de délocalisation s’évalue à la fois dans l’emploi direct supprimé, mais aussi ceux qui le seront par transfert des démarches d’achats de produits, de prestations, de sous-traitance et d’accompagnements périphériques divers.

Commentaire 2 : l’analyse des chiffres est révélatrice de l’ampleur du phénomène.

Volume des emplois industriels en France :

  • en 1975 : 6 200 000
  • en 2009 : 3 000 000
  • en 2010 : 2 790 000

Notre pays a perdu presque 3,5 millions d’emplois manufacturiers en 35 ans. Depuis 2000, les pertes sont évaluées à 500 000 postes. Notre PIB industriel ne représente plus que 14 % du PIB global, contre près de 30 % en Allemagne.

L’industrie française emploie 19 % des salariés en France. Par comparaison, le tertiaire regroupe 72 % des personnes salariées.

Des pans entiers de notre économie ont été transférés en zone low cost. C’est précisément le cas des secteurs textile et automobile. Et au-delà des pertes d’emplois et des drames humains, ce sont les compétences, les savoir-faire et l’innovation qui s’évaporent.

Commentaire 3 :

Au-delà de l’emploi direct délocalisé et des ordres de sous-traitance disparaissant par voie de conséquence, il convient de prendre en considération le territoire concerné par ces mutations. Les grandes agglomérations urbaines demeurent moins sensibles au phénomène. Elle s’auto-régénèrent progressivement. Ce qui n’est pas le cas des territoires ruraux ou industriellement vieillissants qui subissent un profond traumatisme. Les exemples sont nombreux, MOULINEX dans l’Orne et la Sarthe, WHIRLPOOL dans la Somme. Renault produit moins de 20 % de ses véhicules en France (source la Tribune 14 fév 2011).

Sur les territoires ruraux ou fragilisés, les conséquences sont dramatiques. Disparition parfois totale de toute l’économie d’un canton. Mutation des populations. Disparition progressive des commerces. La mesure du phénomène de délocalisation impacte fondamentalement la chaîne de dynamique locale. Elle doit être mesurée et intégrée aux conséquences.

Données chiffrées : 

Opérations Emplois
total désinvestissements 2496 273473
délocalisations 99 10499
total investissements 2340 151410
relocalisations 12 451
délocalisations/désinvestissements 4,0 % 3,8 %
relocalisations/investissements 0,5 % 0,3 %
relocalisations/délocalisations 12,1 % 4,3 %
Source des données : Trendéo, chiffres 2009

CONCLUSION :

Il est tant de réinventer les modèles qui permettront de relancer les usines, les grands sites industriels pourvoyeurs d’emplois et de dynamique de développement. Ils sont les leviers déterminants pour gagner sur les trois domaines clés que sont :

  • la lutte contre le chômage
  • l’aménagement du territoire
  • la protection de l’environnement

Pour ce faire, il est indispensable que chacun – dans une sphère utra mondialisée – puisse évoluer dans une logique de libre concurrence, mais dans le cadre de règles propres à tous et en particulier :

  • la protection sociale et physique des Hommes au travail
  • l’interdiction du travail des enfants
  • l’application de règles communes relatives à la protection de l’environnement
  • le respect d’une règlementation relative aux produits, composants et matières entrant dans l’élaboration des fabrications
  • le respect des brevets en matière de protection des technologies