PARTIE III : IMPOSER UNE REGLE ENVIRONNEMENTALE EQUITABLE POUR LES IMPORTATIONS EUROPEENNES

Les problématiques environnementales et les contraintes qu’elles imposent aux entreprises européennes doivent nécessairement être prises en compte dans le constat de ce que nous jugeons être une concurrence déloyale pratiquée par les pays à bas coût de rémunération de la main d’œuvre. 

Grâce à un tableau de synthèse pris en référence (voir lien ci-après), le CFDE (Centre de Formation et de Documentation sur l’Environnement) permet d’accéder à une liste précise des obligations légales en matière de production industrielle.

LES PRINCIPAUX TEXTES RÉGLEMENTAIRES EN ENVIRONNEMENT INDUSTRIEL

Cette synthèse viendrait à décourager toute initiative industrielle dès lors que des activités à minima contraignantes seraient développées. Même si l’on peut comprendre la nécessité d’édicter des règles strictes, tout est prétexte à encadrer l’activité manufacturière : la loi sur l’air, sur l’eau, les installations classées, le transport, les déchets, le bruit, les emballages, les émissions atmosphériques, les produits chimiques, l’énergie, les substances dangereuses, les boues, les rejets, la biodiversité, etc. Nous avons ainsi une idée des exigences imposées à nos entrepreneurs. A titre d’exemple et pour le seul code du travail, en 2002 il faisait 2404 pages. En 2012 il est passé à 3372. Le code des impôts est passé sur la même période de 2436 à 3579 pages.

L’idée développée par ce propos vise non pas à contester ces règles – même si dans le contrôle de leur bonne application, certaines déclarations mériteraient quelques commentaires –  mais de se poser la question de savoir si la mondialisation que nous connaissons, impose les mêmes contraintes aux fabricants quelle que soit leur origine. La réponse est bien évidemment négative. Ainsi, nous savons poser un cadre très contraignant pour les produits réalisés en France et dans les principaux pays d’Europe de l’ouest, mais nous sommes incapables d’édicter la moindre exigence quant au strict suivi des conditions de production des produits importés. Particulièrement quant au respect de l’environnement pour leur fabrication.

L’absence des instances internationales

L’OMC

L’organisation mondiale du commerce (OMC) est la seule organisation internationale engagée dans un processus visant à optimiser les échanges de marchandises entre les pays signataires. Ceci, au travers des accords dits de l’OMC. Ces derniers ont été négociés et ratifiés par la quasi intégralité des puissances commerciales (159 pays). Même si en 1995 la sensibilité à la protection de l’environnement n’était pas ce qu’elle est aujourd’hui, on peut s’interroger sur son immobilisme en la matière. En effet, elle serait dans son plein rôle à resserrer progressivement les dispositions liées aux problématiques écologiques. Et si le modèle collectif ne fonctionne pas, un état pourrait librement s’opposer à l’ouverture de ses frontières ou pour le moins imposer le respect de certaines règles liées aux exigences environnementales de production (art IX.3 de l’accord). Ainsi l’OMC dispose d’une situation lui permettant d’établir même à minima des dispositifs de filtrage des modes de production dits sauvages. Rien n’est fait en la matière. Et le tissu industriel européen continue de se désagréger.

Le Protocole de Kyoto

L’accord  international de Kyoto  élaboré sur la convention cadre des Nations Unies, est bâti sur l’objectif  de réduire les émissions de gaz à effet de serre des pays industrialisés. Il constitue une approche innovante en faveur du climat et de l’environnement, mais reste conceptuellement depuis 1997 élaboré sur une démarche macro-économique. Par opposition à une approche visant à lisser les différentiels entre les exigences imposées aux entreprises. En effet, on reste sur des objectifs de contrôle quant à l’émission des GES (-8 à +10%) exprimés sur la base d’émissions individuelles des pays adhérents.

Les engagements au titre du Protocole varient d’une nation à l’autre sans aucune notion de
réciprocité. Le seul paramètre d’émission des GES aurait pu apporter une vraie équité envers les industriels européens et ceux du reste du monde comme la Chine. D’ailleurs, on notera que les Etats Unis n’ont pas signé ces accords et sont sortis du système.
Le processus est très flexible, voire incompréhensible, dès lors que les pays désireux de satisfaire aux exigences du protocole ont l’autorisation d’opérer en dehors même de leurs frontières en finançant des opérations de protection de l’environnement. On appelle cela le commerce d’émissions ou l’application conjointe. En clair, les états pollueurs on le droit de poursuivre leurs dégradations environnementales dès lors qu’ils montrent une certaine bonne volonté chez le voisin ! En attendant, leurs entreprises continuent à produire et inonder nos économies quelles que soient les conséquences sur leur environnement local. Nous sommes clairement dans des processus de concurrence déloyale à l’égard de nos entreprises. Les bases du protocole de Kyoto constitutives du plus bel effort réalisé à l’échelle du monde pour la protection de la planète, sont aujourd’hui clairement inadaptées et complètement inefficaces pour imposer la moindre réciprocité entre les économies low cost et les nôtres. Et ce, malgré les nouvelles règles adoptées en 2001 dans les Accords de Marrakech.

Pendant ce temps l’industrie européenne se meurt

L’Europe s’est installée dans un modèle statique et déséquilibré. Le plus surprenant reste son inaction face aux menaces multiples du libre échange. Pendant que les ressources financières de nos systèmes de protection sociale se tarissent, l’Europe se fige. Les entreprises ferment. Entre 2001 et 2010 la France a perdu 97136 entreprises industrielles et ce sans s’interroger sur le modèle productif qui s’y substituait. Ainsi, pendant que nos élites se noient dans les débats liés à l’énergie photovoltaïque,  au véhicule électrique,  à l’exploitation ou non de gaz de schiste, à la pollution des moteurs diesel, à la création de pistes cyclables dans les villes, elles acceptent sans sourciller la mondialisation débridée où l’approvisionnement énergétique Chinois est à 80% réalisé grâce au charbon, l’énergie la plus génératrice de GES. Les économies européennes acceptent sans sourciller le gigantisme des moyens pour inonder nos marchés. Prenons à titre d’exemple le dernier porte- conteneurs de la compagnie CMA-CGM. Il peut embarquer 16020 conteneurs pour une charge totale de 186000 tonnes. D’une longueur de près de quatre terrains de football, sa hauteur de chargement est de 56 mètres soit l’équivalent d’un immeuble de 14 étages. Et il n’est qu’un des équipements d’une flotte, et qu’une flotte parmi d’autres. N’y aura-t-il pas un contre pouvoir qui osera s’opposer à ces modèles de libre échange qui au fil des rotations et des années désagrègent inexorablement notre tissu industriel ? sans parler du bilan écologique de ces marchandises du bout du monde qui in fine doivent être chargées et déchargées des dizaines de fois, pré-montées puis assemblées, puis transbordées, reconditionnées, réapprovisionnées, et finalement livrées au destinataire final. Quel est le coût écologique global de tels modèles ? non seulement on tue le travail de l’Homme en Europe  mais en même temps, on épuise son environnement. Il n’y a ainsi aucun principe de réciprocité visant à imposer aux productions entrantes les mêmes exigences que nos fabrications endogènes. Rares sont ceux ayant perçu le fait que nous avons délocalisé aussi notre pollution. La consommation européenne a ainsi déporté ses contraintes écologiques sur les sources low cost, et le bilan environnemental européen pour être juste se doit d’intégrer les consommations de produits out-sourcés.

Enfin, le respect des impacts environnement impose à nos entreprises un accroissement considérable de leur outil de production et de l’ingénierie associée. La pression réglementaire est impitoyable. La responsabilité des dirigeants est bien souvent un cas de responsabilité du domaine pénal.
Le code de l’environnement applicable en France se doit d’être adossé à une lecture mondialiste où la recherche de réciprocité ferait règle. D’autres supports existent tels que l’ECOLEX (portail ONU sur les problématiques écologiques), mais à nouveau ces outils sont inadaptés à l’équité que nous recherchons. Il est primordial que l’Europe se dote d’un outil d’analyse en la matière. Adossé au respect de la norme sociale humainement applicable, elle aura déjà fait un grand pas pour protéger nos entreprises.