Centres d’appels : une nécessaire refonte du modèle

Du coté des clients-utilisateurs que nous sommes, un phénomène d’usure caractérisé semble se confirmer. En effet, trois facteurs peuvent à terme largement compromettre le modèle du centre d’appel tel que nous le connaissons :

  • une totale déshumanisation du lien client-fournisseur
  • un agacement caractérisé du client en raison en raison de la configuration de nombreux répondeurs avec certaines arborescences numériques d’accueil où il vous faut choisir en forme de parcours du combattant des options pour lesquelles vous ne trouvez que rarement celle qui vous convient
  • enfin, une réelle irritation à recevoir journellement des sollicitations multiples dont les plus courantes concernent les économies d’énergie, les placements financiers, le remplacement de fenêtres ou la vente de produits surgelés à domicile. Ce n’est donc ni le modèle des centres tels qu’ils existent, pas plus que les besoins exprimés par les consommateurs, qui vont générer des nouvelles implantations.

… en matière de satisfaction client on pêut difficilement faire pire !

 

UN REDIMENSIONNEMENT – à la baisse – DES SITES

En forme de réponse, on peut imaginer des procédures de relation client plus faciles d’accès (un seul numéro d’appel et aucun cheminement numérique avant d’atteindre un conseiller). Mais surtout des interlocuteurs non formatés à des réponses archétypées et figées, et une latitude qui leur serait laissée pour établir de vraies relations avec leur interlocuteur. Ceci bien loin d’une rhétorique apprise par cœur et déroulée à longueur de journée. Sur cet aspect précis de la relation client, le service grand voyageur de la SNCF préfigure pour partie des orientations favorables que peuvent espérer les clients. Mondial assistance est aussi une référence.

Il est indispensable d’inventer des modèles d’organisation plus humains, plus personnalisés, moins avilissants. Concernant ce dernier point, citons l’exemple des plateformes dites de débordement souvent utilisées par les organismes bancaires (société générale) ou compagnies d’assurances (MAAF). Un appel à 11h55 vous conduira à un échange avec votre conseiller, tandis qu’à 12h05 sur le même numéro vous joindrez un autre téléconseiller – en raison d’une prise de relais par la plateforme de débordement, ceci sans que le client se rende compte du processus – vous questionnant dans tous les sens pour valider votre identité, votre adresse, les intitulés de vos produits ou contrats. Insupportable, sachant que dans 95 % des cas ce dernier conseiller ne saura vous apporter réponse. Tôt ou tard ce modèle tombera. D’ailleurs, une première mutuelle intègre dans sa communication le fait qu’elle ne fonctionne pas avec une plateforme de relation client (Mutuelle de Poitiers Assurance).

Progressivement, mais certainement plus rapidement que l’on ne le pense, le retour à des schémas relationnels inverses vont apparaitre. Selon une enquête auprès d’une cinquantaine de personnes, ces dernières sont prêtes à payer plus cher une prestation dès lors qu’il leur sera évité ce qui vient d’être décrit.

En résumé, on peut alors imaginer des installations plus modestes en volume de salariés employés, ces derniers étant mieux formés, des conversations plus stables (non utilisation du casque), des ambiances plus calmes (sans brouhaha de fond) et surtout des échanges personnalisés et humanisés.

En matière d’implantation d’entreprises on peut penser qu’une nouvelle cible de collectivités pourrait être concernée, celles disposant localement de faibles ressources humaines, les territoires ruraux, les villes de moins de 10000 habitants.

 

UNE FLEXIBILITÉ ACCRUE DES SITES

Les centres de relation client sont soumis en France à des contraintes de fonctionnement lourdes. Il serait opportun d’envisager un assouplissement des règles en la matière. En permettant des plages de fonctionnement élargies, voire des services téléphoniques maintenus pendant la nuit, le dimanche ou les jours fériés, un pas important serait franchi afin de contrer les phénomènes de délocalisation.

Ces réflexions nécessiteront de faire tomber certains tabous mais fondamentalement elles font du sens dans la mesure où certains sont prêts et motivés pour travailler pendant les phases de repos habituelles. Dans un même temps, nombre de clients sont demandeurs et en attente de prestations pendant ces mêmes « périodes blanches », seules disponibilités qui leurs sont permises pour gérer leurs affaires personnelles (organisation de vacances, gestion de leur contrat d’assurance, etc.). Ainsi, le consommateur final peut générer son propre marché, voire même renforcer ceux existants. L’unique condition est d’en supporter le coût. Nombre d’entre eux  semblent y être prêts.

 

REFORMER LA RÉGLEMENTATION EN MATIÈRE DE MARCHES PUBLICS

De manière assez contradictoire on voit dans un même temps, collectivités locales et grandes entreprises prôner des prestations et productions nationales et opter sans ambages lors des appels d’offres pour des prestations qui seront réalisées offshore.

En effet, le code des marchés publics ne permet pas de favoriser l’exécution d’une prestation sur le territoire national. A juste titre c’est l’argument clé avancé par Jean-Paul Huchon en réponse au tollé provoqué par le choix d’un prestataire opérant à l’étranger pour le contrat du STIF. Si la collectivité peut imposer certaines contraintes en matière d’embauche de personnes handicapées ou d’autres en situation d’exclusion, elle ne peut afficher la localisation nationale ou européenne comme critère obligatoire. Une telle posture est contraire au principe de non-discrimination.

Un tel cas de figure nécessite que l’on s’interroge sur l’évolution même des règles régissant les marchés publics. Il est en effet anachronique de constater certaines décisions de collectivités privilégiant par certains choix des opérateurs implantés au Maroc, à l’ile Maurice, ou Madagascar et intégrer dans leur stratégie de développement économique la cible des centres d’appels. La stratégie d’implantation d’entreprises doit impérativement passer par le renforcement de ceux que l’on prétend défendre et convaincre. Il s’agit simplement de logique économique et d’éthique comportementale.

 

TIRER LES PRESTATIONS VERS LE HAUT

Dans la plupart des cas, si l’on tente de décrypter la typologie des tâches dévolues à un téléconseiller, on peut facilement découvrir leur caractère très basique. Il y a donc incohérence entre un salarié Français d’une plateforme dont le cout horaire HT est de 28 €, et son homologue Marocain impliqué globalement sur les mêmes tâches mais dont le coût horaire est de 14 €.

Il semblerait logique au regard de la complexité de certains domaines,

  • téléphonie (paramétrage, compatibilité des systèmes, dématérialisation),
  • banque (placements, exonérations, conséquence en matière d’imposition)
  • assurance (complexité des contrats, typologie des couvertures, diversité des produits)

….de dédier ces fonctions à des personnels très formés, compétents, impliqués. Ces derniers y trouveraient une vraie motivation et un débouché certain pour des évolutions de carrières.

Enfin, on peut penser au regard des pratiques d’abonnements tirés vers le bas (abonnement FREE à 2 €) que les assistances seront réduites à la portion congrue avec une gestion des paramètres d’abonnement gérés on-line par le client lui-même.

 

En 2008, l’Allemagne et la France font partie des pays ayant un coût du travail élevé au sein de l’UE à 15. Dans l’industrie, les coûts horaires français et allemand sont de même niveau, autour de 33 euros. Toutefois, des disparités existent selon le secteur industriel considéré. Ainsi, dans l’industrie automobile, le coût horaire allemand est supérieur de 29% à celui observé en France (43,14 contre 33,38 euros). Dans les services marchands, le coût horaire français (32,08 euros) figure parmi les plus élevés, alors que le coût horaire allemand (26,81 euros) est proche de la moyenne européenne (25,03 euros). Globalement, entre 1996 et 2008, on assiste à une lente convergence des coûts du travail au sein de l’UE à 15. Ce mouvement se produit dans l’industrie et les services marchands, mais à un rythme plus lent dans ces derniers.