Implantation d'entreprise : "Les 10 stratégies-types"

Sur l’ensemble des projets d’implantation d’entreprises détectés et instruits par STRATE, il semblait intéressant de tenter de déterminer les logiques centrales prévalant à leur évolution. L’analyse qui suit permet ainsi d’extraire de la base de référence, 10 logiques évolutives d’entreprises. Les dirigeants devraient ainsi logiquement se retrouver dans au moins une de ces stratégies directrices tandis que les collectivités locales pourront alors mieux comprendre et appréhender leur propre marché.

 

1°/ Desserrement urbain

En raison de l’encombrement des villes, des difficultés d’extension sur place, des nuisances liées à l’exploitation industrielle en milieu urbain, de la pression exercée par la promotion immobilière, l’entreprise quitte son site actuel pour en identifier un autre dans une logique privilégiant un maximum de continuité. Quant aux éléments vitaux de son fonctionnement : main d’œuvre, clientèle, prestataires externes de types fournisseurs ou sous-traitants, ils sont préservés quasiment à l’identique. Généralement, on observe des migrations d’entreprises de l’intérieur de l’agglomération vers l’extérieur de celle-ci, dans un schéma assimilable à la périurbanisation et suivant un processus de développement selon une logique de cercles concentriques. Souvent, l’évolution de l’entreprise s’opère dans la même direction par rapport à son implantation initiale. Cette typologie de comportements est celle qui régit quasiment les trois quart des projets d’implantation d’entreprises.

 

2°/ Mouvements intra-régionaux autres que le desserrement urbain

Il s’agit principalement d’entreprises fortement gênées dans leur expansion car le plus souvent installées sur des communes limitées dans leur développement en raison du manque d’espace dédié aux activités économiques ou ayant délibérément choisi d’autres options d’expansion. Sont souvent concernées, des collectivités orientées vers le commerce, le tourisme ou désireuses de préserver une certaine forme d’authenticité. Ceci peut en effet surprendre, mais l’analyse démontre qu’en la matière, les cas ne sont pas rares. A titre d’exemple, citons le littoral français, les sites dits « authentiques » ou protégés, certains villages touristiques ou autres environnements pour lesquels on estime que l’entreprise ne constitue pas une priorité.

Dans le même esprit, d’autres collectivités ont aussi souvent pratiqué en matière de taxe professionnelle des niveaux d’imposition élevés. Quant aux politiques liées au foncier (coût d’acquisition et terrains disponibles) elles ont suivi les mêmes logiques.

Dans une telle configuration, la notion d’implantation d’entreprise n’est que bien peu priorisée et va contraindre le décideur à s’extraire de ces environnements peu propices à la dynamique économique. Les mouvements d’entreprises constatés sont ainsi opérés dans une logique de glissement au sein de la zone d’influence de la ville d’origine et sur des distances d’environ 20 à 30 km, parfois plus.

 

3°/ Accolement aux zones de marché

Après les logiques de desserrement urbain, les mouvements d’implantation d’entreprises les plus connus sont ceux visant les entreprises désireuses de se rapprocher de leur marché. La stratégie est simple et vise à s’accoler physiquement aux zones de clientèles directes ou indirectes. Le profil des implantations est très divers et balaie à la fois les fonctions de distribution, de stockage, de transport, de représentation commerciale, de service client et de vente. Il convient de souligner que l’accès aux marchés n’est pas seulement justifié par la seule stratégie de vendre mais aussi de produire, en trouvant un équilibre économique en raison du caractère pondéreux de certains produits ou matériels. Ce processus de localisation est connu, courant, et va directement favoriser les zones urbaines aux densités de population fortes.

4°/ Recherche de bassin d’emploi spécifique et non saturé

La typologie de certains métiers et les compétences pointues qu’ils exigent vont conduire les décideurs à privilégier des bassins de compétences ouverts, stables et surtout non saturés. Ils souhaitent ainsi élargir leurs possibilités de recrutement et réduire les risques de turn over des équipes concernées. De plus, il est certaines activités manufacturières dont la pratique et le doigté s’inscrivent dans un historique fort, ayant « typé » les compétences locales, lesquelles peuvent être – après formation – particulièrement recherchées. Ces dernières années, l’expansion des centres de relation téléphonique ont particulièrement mis en évidence cette notion de recherche d’espaces non saturés. Ainsi, des villes telles que Poitiers, Reims ou Amiens sont spontanément éliminées de toutes les études d’implantation réalisées par les opérateurs pour de nouvelles créations de centres d’appels. A l’opposé, des collectivités telles que Compiègne, Nevers ou Dijon ont pu enregistrer certains succès mérités grâce à leur territoire non saturé. L’implantation d’entreprise exige pour de nombreux métiers des ressources humaines disponibles. On peut regretter que celles-ci se retrouvent encore une fois sur des espaces urbains.

 

5°/ Accès à la ressource naturelle du territoire

Ce point constitue le seul cas de figure où les caractéristiques intrinsèques du territoire motivent la décision d’implantation d’entreprise. Parmi les exemples souvent rencontrés, il peut s’agir de ressources locales propres (gisements de bois, espèces végétales), de conditions climatiques (fort ensoleillement, niveau d’humidité, pureté de l’air, puissance des vents), des ressources du sous-sol (nature de la terre, sources d’eau naturelle). Aucune dérogation n’est alors possible dès lors que l’entreprise considérée aura nécessairement besoin de ces ressources propres. La démarche d’implantation d’entreprise est alors réalisée par recensement des territoires potentiellement en capacité d’offrir la ressource recherchée.

 

6°/ Logique d’opportunité totale

Plus justement, ce point pourrait être caractérisé par la « non-stratégie » qu’il constitue dès lors que le choix du territoire tient simplement au fait que le dirigeant en est issu. Ainsi, une entreprise nait et grandit sur les terres d’origine du créateur, sans aucune autre logique. Il est intéressant de souligner que dans la plupart des cas, le lien historique entre le territoire et le dirigeant, amènera systématiquement ce dernier à expliquer que ce non choix de circonstance ne gêne en rien sa dynamique d’expansion. La logique d’implantation d’entreprise tient au seul fait que l’on crée là ou l’on nait. Rares seront les cas où ce schéma de circonstances contraindra le dirigeant à redéfinir son besoin et choisir un autre territoire. S’il le fait, il conservera souvent une base historique en y maintenant à minima une activité.

Ce point explique ainsi pourquoi certaines configurations restent pour le moins étonnantes (unité de recherche en bio technologies localisée en milieu rural, fabrication de produits de luxe en banlieue défavorisée, conseil en haute technologie au cœur d’un bassin industriel conventionnel).

La crise économique récente a fait émerger un phénomène caractéristique qui conduit le dirigeant à pratiquer l’opportunisme le plus total grâce à de nombreux sites laissés vacants par des entreprises défaillantes.

On passe ainsi de la circonstance à l’opportunité la plus totale dans la mesure où le facteur accélérateur tient au seul fait d’un immobilier disponible proposé au tiers de sa valeur. Dès lors, l’implantation d’entreprise n’est plus qu’une question de coûts sans autre analyse. Ce n’est qu’ex post que le dirigeant va tenter de recréer autour de cette opportunité une analyse plus complète (bassin de main-d’œuvre, réseaux routiers, zones de clientèles potentielles), lui permettant de valider son choix.

 

7°/ Installation d’une unité de production ou d’assemblage en zone isolée

La zone isolée n’est jamais très éloignée d’un bassin de main-d’œuvre, sauf cas exceptionnel. Elle est recherchée par certains managers dont les activités nécessitent une certaine discrétion. Il peut s’agir de processus de fabrication qui doivent rester confidentiels, ou de produits nécessitant une sécurité évidente. A titre d’exemple, on peut citer l’implantation de Coca Cola à Signes 83 ou d’Hermès à Sayat 63. Il est assez facile de cibler les activités concernées mais beaucoup plus délicat d’identifier les opérateurs directement impliqués.

L’implantation d’entreprises en zone isolée constitue une chance pour les espaces ruraux ou semi-ruraux. Avec la disparition progressive de nombre d’entreprises industrielles, on ne peut que constater une diminution forte des volumes de projets. Quantitativement la demande s’est effondrée et les dossiers d’implantation sont de plus en plus rares. Ces derniers mois, Ils ne concernent essentiellement que les activités du luxe et quelques spécialisations industrielles dites sensibles.

 

8°/ Recherche d’un environnement technologique

Cette approche reste sans doute l’une des plus lisibles de la stratégie d’implantation d’entreprise. Le raisonnement est simple et correspond à une structure à forte valeur ajoutée en recherche de synergies avec d’autres entreprises high-tech, des centres de recherche, des établissements d’enseignement supérieur et autres plateformes technologiques.

A nouveau, les grandes zones urbaines sont concernées. Les sites considérés sont souvent de qualité supérieure. Ils intègrent toutes les composantes du parc dit technologique, voire du technopôle. Des typologies sectorielles fortes sont souvent constatées.

 

  • Aéroconstellation – Toulouse 31 – Aéronautique civil & spatial
  • Plateau de Saclay – Saclay 91 – Recherche génétique – biologie & recherche végétale
  • Biopôle de Gerland – Lyon 69 – Biotechnologies, Virologie
  • Rennes Atalante – Rennes 35 – Technologies de l’information et télécommunications
  • Minatec – Grenoble 38 – Nanotechnologies

 

9°/ Intégration de l’entreprise à un environnement tertiaire

La stratégie des entreprises concernées consiste à exploiter un gisement de marché tertiaire, en général celui d’une grande agglomération. L’entreprise est à la fois sujet et objet de cet environnement. L’objectif du dirigeant peut s’inscrire dans des logiques très diversifiées (marché, image, partenariats, complémentarités, etc.).

Concernant la problématique d’implantation d’entreprise proprement dite, elle ne correspond en rien à une typologie immobilière unique, bien au contraire. Les localisations concernées peuvent être de simples parcs tertiaires banalisés, des emprises partielles de zones dédiées à des activités de services, des centres d’affaires plus qualifiés, voire des parcs techniques ou technologiques sectoriellement positionnés. A l’opposé, il est un constat simple, celui consistant à dire que dans 95 % des cas, ces environnements tertiaires restent intégrés à des zones d’influence urbaine forte.

 

10°/ Logique de localisation selon le réseau ferré à grande vitesse

Sur le site FRANCE IMPLANTATION il est possible de découvrir sous l’onglet « idées et orientations nouvelles » la nouvelle lecture de la France à partir du Réseau TGV.

 

Depuis la mise en service du réseau ferré français à grande vitesse, les logiques d’implantation d’entreprise ont considérablement évolué. L’analyse d’une carte isochrone est révélatrice d’une nouvelle perception de l’espace qui conduit le dirigeant à intégrer prioritairement le critère du temps de parcours plutôt que celui de la distance kilométrique. Cette évolution est déterminante dans les logiques d’implantation suivies par les dirigeants. Trois phénomènes en résultent :

  • L’évolution grandissante du TGV est venue encore renforcer le phénomène de polarisation qu’exerce la capitale. Le raisonnement est toujours et systématiquement organisé par rapport à Paris qui constitue le point focal de distribution du réseau et d’articulation des flux de décideurs.
  • La France s’est resserrée à partir de sa capitale permettant de raccourcir les perceptions par rapport à Marseille – Lille – Strasbourg – Nantes. A l’opposé de ce phénomène, ont été repoussées les perceptions d’autres villes telles que Brest – Cherbourg – Nice – Pau, ainsi que la quasi intégralité du Massif Central.
  • Enfin, il est étonnant de souligner que la logique de connexions rapides d’un point à un autre vient renforcer les phénomènes de consolidation des pôles. La conséquence en est le risque que courent les espaces dits « intermédiaires » qui ne captent pas les processus de croissance consécutifs à ces liaisons rapides.

En conséquence, toute la problématique d’implantation d’entreprise va se trouver soumise au filtre de la carte TGV, à partir de laquelle l’essentiel des processus de décision s’organise.