… les aides financières

par : Jean-Pierre FABRE, Directeur-adjoint comité d'expansion de la Sarthe (72)

À propos des aides financières

Avis d'experts 01Spécialiste des aides aux entreprises depuis plus de 20 ans, j’apporte ici une contribution au site « France Implantation » afin de vous parler de ma vision des aides. Vaste sujet tant il draine une part importante de fantasmes, mais aussi une réalité complexe !
Depuis de nombreuses années, nous pouvons lire ou entendre des discours développant une idée de gaspillage, de saupoudrage, d’empilage de couches successives laissant entendre que l’argent du contribuable est distribué avec largesse et de façon dispendieuse.
Des chiffres très importants en matière de montants d’aides publiques distribués sont avancés. Tout n’est pas faux – loin de là – mais comme d’habitude, il faut se garder des approches dogmatiques et restrictives.
En réalité, les entreprises baignent littéralement dans les aides. Nombre d’entre elles sont attribuées à des bénéficiaires qui ignorent eux-mêmes en bénéficier. Citons par exemple les exonérations de charges patronales dans les zones de revitalisation rurales jusqu’au 50 ème salarié, les exonérations d’impôts sur les sociétés nouvelles, les exonérations de CET dans certaines zones pour les développements ou créations, les exonérations de droits de mutations sur les fonds de commerce dans certaines zones du territoire, les amortissements exceptionnels, etc.
Au cours de ces vingt dernières années, j’ai eu à rencontrer de nombreuses entreprises déclarant ne jamais avoir perçu la moindre aide. En réalité, elles en avaient bénéficié parfois largement mais sans que le dirigeant en ait lui-même conscience.
Les aides peuvent prendre des formes très diverses, des exonérations, des allègements, des subventions, des avances à 0 %, des prêts à taux bonifiés avec ou sans différé, des rabais, des garanties d’emprunts, des prêts accordés au taux du marché mais sans garantie. Nous trouvons de tout et tout est négociable.

Face à cette complexité, personne ne peut prétendre tout maîtriser. En effet, il existe très peu de personnes en France disposant d’une vision globale des dispositifs. A cet égard, il est important de souligner que les États en Europe disposent d’une marge de manœuvre relativement étroite en matière d’aides publiques car la Commission européenne contrôle rigoureusement les régimes d’aides mis en place par les États. Tout régime d’aide dont le montant accordé à une entreprise sur trois ans serait susceptible d’être supérieur à 200 000 € doit être validé par la Commission. En dessous de ce seuil de 200 000 €, les États peuvent utiliser un régime d’aides appelé de-minimis dans le cadre duquel les accompagnements peuvent être créés sans autorisation préalable de Bruxelles.
Cet encadrement rigoureux a pour objectif d’éviter une concurrence déloyale entre États européens grâce à l’argent du contribuable. En réalité, ceci explique pourquoi de nombreuses mesures d’allègement ou d’exonération s’inscrivent dans ce cadre réglementaire de-minimis.

J’ai conscience qu’à ce stade, le courageux lecteur qui est parvenu à me lire jusqu’à cette ligne doit entendre une petite voix lui dire intérieurement…pourquoi faire aussi compliqué ? Il faut comprendre que chaque régime d’aide a une logique. Généralement, il s’agit de faire de l’aménagement du territoire en favorisant les développements, créations, implantations dans certaines zones plus défavorisées que d’autres, ou aider certaines catégories d’entreprises notamment les PME, ou certains secteurs d’activités (citons la restauration avec la baisse de la TVA).

Une fois la problématique décrite dans sa complexité, que peut faire le chef d’entreprise ?
Il n’existe pas de formule miracle, telle l’équation universelle qui permettrait de calculer les aides disponibles dans tous les cas de figure. En réalité, chaque projet est un cas particulier. Il faut tenir compte de ses caractéristiques intrinsèques, besoins en financements, apports des actionnaires, type d’activité, phase de vie de l’entreprise, créations d’emploi. Ceci sans oublier la clef de tout qui est la localisation géographique du projet. En effet, de très nombreux régimes d’aides sont liés à des zonages. Ainsi, une aide accessible à Sablé sur Sarthe, ne le sera pas à Paris et inversement pour d’autres aides ou zonages…

Quelles questions doit se poser le chef d’entreprise ?

  • Mon projet est-il mobile géographiquement ? Si la réponse est positive alors vous êtes en situation de pouvoir négocier les aides avec les différents territoires et faire jouer la concurrence… et oui… les aides peuvent se négocier !!
  • Est-ce que j’apporte suffisamment en fonds propres ? Ne vous attendez pas à ce que les aides financent votre projet. Dans cette hypothèse, ce ne serait plus vous qui seriez le propriétaire de votre entreprise mais le contribuable. Il faut être raisonnable, ne pas vouloir tout et son contraire, et souhaiter devenir le propriétaire d’une entreprise financée par les collectivités. La part la plus importante du risque doit être prise par les actionnaires. Vous ne serez pas crédible si vous sollicitez des niveaux d’aides supérieurs à vos apports. Par ailleurs, les aides qui pourraient être accordées (si cela était le cas) seraient illégales.
  • Est-ce que mes interlocuteurs sont réellement compétents pour me conseiller ? Ai-je suffisamment multiplié les sources ? Personne n’a de compétence universelle en matière d’aides. Il est prudent de s’adresser à plusieurs interlocuteurs ou/et niveaux de collectivités.
  • Dois je prendre un conseil pour m’aider à monter les dossiers ?… vaste sujet. Pour ma part je n’y suis pas opposé, d’autres le sont farouchement car ils considèrent qu’une partie de la subvention est détournée de son objet. Il est surtout important que le conseil apporte une réelle valeur ajoutée et une compétence forte. Malheureusement ce n’est pas toujours le cas. On peut voir de nombreux cabinets qui ne négocient pas, ne conseillent pas et se contentent simplement de remplir les formulaires qui leurs sont remis.
  • Enfin et pour finir cette énumération, il ne sert à rien d’exiger des aides. C’est le meilleur moyen de ne pas en avoir. En effet, les aides doivent prioritairement produire un effet levier dans un projet, faciliter l’obtention d’un prêt, raccourcir un retour sur investissement. Apporter une aide à un projet déjà largement financé n’apporte pas grand-chose hormis fiscaliser à l’IS une subvention…et subventionner l’Etat. A cet égard, ne soyez pas obnubilés par l’obtention de subventions car les financements à 0 % ou à taux bonifiés avec ou sans garantie peuvent se révéler beaucoup plus intéressants.

En conclusion, les aides aux entreprises existent. Elles sont accessibles au plus grand nombre. Elles peuvent se négocier surtout si le projet est susceptible de bouger géographiquement, et elles sont fiscalisables. Ce sont des avantages qu’il faut manier avec une certaine prudence fiscale car des contrôles et redressements existent.
Comme c’est le cas dans tous les domaines importants de la vie de l’entreprise il ne faut pas avoir peur d’avoir un bon conseil.