Prospection et implantation d’entreprises du secteur des biotechnologies

La prospection d’entreprises dans le domaine des biotechnologies est une démarche répandue,  presque courante. Il semblait important de revenir sur ce secteur trop vulgarisé de la « chasse aux entreprises » et de tenter de mettre en évidence de nombreux facteurs d’alerte, souvent sous forme de réserves en raison des  résultats que l’on peut en attendre.

Tout d’abord, le secteur des biotechnologies n’est pas exclusivement circonscrit aux industries de la santé. Il s’étend aussi à l’agro-alimentaire, à l’environnement, à l’agriculture et à certaines déclinaisons dans des processus industriels innovants. La stratégie d’implantation d’entreprise doit donc bien comprendre les spectres de couverture de chacun des domaines. Considérés au sens large on parlera alors de sciences du vivant.

 

FAIBLESSE QUANTITATIVE DU NOMBRE D’OPÉRATEURS

Même si la France se place au troisième rang européen, le secteur des biotechnologies reste microscopique. Seulement 26 sociétés sont cotées à Paris (source Next Biotech) et 37 en Europe. Sur le plan des emplois, les 280 sociétés biotechs-medtechs nationales pèsent entre 5000 et 6000 emplois (source France Biotech). A titre d’information SANOFI emploie 107000 personnes dans le monde dont 27000 en France (wikipedia). Dans le domaine de la santé, ces sociétés sont à l’origine d’un peu plus d’une dizaine de médicaments. En grande majorité elles ne commercialisent aucun produit et restent incroyablement fragiles. Sur le plan des volumes d’affaires, la vingtaine de biotechs Françaises cotées n’ont réalisé en 2010 qu’à peine 112 millions d’euros de chiffre d’affaire (source le Figaro éco 14 mars 2012).

Même si la France comble très lentement son retard malgré certaines montées en bourses prometteuses, le secteur reste très fortement dominé par les US dont le volume des unités de biotechnologie est sensiblement le même que celui des entreprises européennes de même nature, mais avec 10 fois plus d’effectifs salariés, trois fois plus d’engagement de capitaux risqueurs et une capitalisation boursière d’environ 300 Milliards de dollars (source www.industrie.gouv/biotechnologies)

Premier élément de constat : la vulgarisation des actions de prospection en matière d’implantation d’entreprises n’est pas une stratégie raisonnable. Nous disons bien vulgarisation. Plus clairement, seuls certains bassins peuvent avoir la chance de gagner une implantation. Ce sont exclusivement les grands espaces urbaines telles que l’Ile de France, Lyon, Marseille, Toulouse. En somme, toutes les agglomérations qui évoluent dans des sphères territoriales où la recherche, les universités, les grandes écoles, les centres hospitaliers, et les grandes signatures du secteur sont présents.

 

UN SECTEUR TRÈS RISQUÉ EN RAISON DES BESOINS FINANCIERS

Second élément de constat, la démarche d’implantation d’entreprise sur le secteur des biotechs est un processus ultra risqué. D’abord en raison des exigences capitalistiques requises, ensuite par le niveau de risque lié à la recherche. Ces deux facteurs cumulés font que la prospection d’entreprises dans le domaine des biotechnologies est un parcours très aléatoire, nécessitant des délais de concrétisation longs pour un résultat souvent très en deçà des espérances initiales et du niveau d’engagement lié à la captation et à l’accompagnement du projet.

 

Prenons l’exemple de TRANSGENE à Lyon. Ce laboratoire en 33 années d’existence n’a jamais engrangé le moindre bénéfice La société a levé 300 Millions d’Euros (abrégé Mlls dans la suite du document) depuis son introduction en bourse et cumulé 500 Mlls d’euros de pertes (source Challenges N°295 – avril 2012). Hallucinant !  Même si l’exemple est extrême, il dénote l’incroyable besoin financier de ce type de structure en matière de R&D (53 millions d’euros pour TRANSGENE sur la seule année 2011), les rendant ainsi particulièrement fragiles dans le temps.

Bien évidemment, il ne s’agit nullement de remettre en question ce type d’entreprise, mais de souligner que pour l’agence de développement, pour la structure de prospection et les collectivités territoriales concernées, l’identification de projets d’implantation d’entreprises de Biotechnologies  relève d’une démarche complexe, longue, instable et très aléatoire.

Certes, de vrais beaux succès existent : GENETECH, cédée pour 36,5 milliards d’euros à ROCHE ou GENZYME, vendue 15 milliards d’euros à SANOFI, mais ils sont rares (source Challenges N°295  avril 2012). Sur le plan de la localisation proprement dite, même si GENZYME s’est renforcée à Lyon, cette acquisition permettra à son propriétaire de se développer à BOSTON (source Le Figaro éco – 12 mars 2012). Les territoires originels des sociétés acquises ne sont donc pas ceux qui bénéficieront obligatoirement des expansions futures de leurs nouveaux propriétaires.

 

DES ÉVOLUTIONS SANS CHANGEMENT DE RÉGION, ET DES CONCOURS FINANCIERS LOCAUX

Malgré les écueils relevés précédemment, la prospection d’entreprises relevant du secteur des biotechs peut s’opérer en direction de structures plus modestes et non cotées. Avec ce profil d’entreprise, les opérateurs du domaine sont plus accessibles, plus souples, et moins gourmands en capitaux. La notion de risque reste toujours forte mais l’unité de comptage n’est plus en dizaines de millions d’euros. Certes les enjeux sont beaucoup moins forts en termes d’emplois et format des projets, mais les dynamiques d’expansion demeurent et se concrétisent.

A titre d’exemple, on citera BIOM’UP 69, spécialisée dans le développement de biomatériaux et dispositifs médicaux implantables à destination de la chirurgie humaine.

Une autre pépite des biotech avec STEM ALPHA, toujours dans la région Lyonnaise, spécialisée dans la fabrication de sérum de synthèse destiné à la conservation des cellules et  tissus humains, principalement pour le  transport de greffes d’organes.

Dans les deux cas on notera des volumes d’emplois qui restent modestes (15 pour la première, 2 pour la seconde),  et des logiques d’évolution géographique  par glissement sans changement de région (ex de BIOM’UP incubée à Crélys av Lacassagne à Lyon et à l’EM Lyon) puis relocalisée à St Priest.

Même constat pour  SYNPROSIS, laboratoire spécialisé dans la synthèse de peptides complexes dont la reconnaissance s’est construite autour de ses performances en matière de production d’un vaccin anti sida. La société comptait 7 collaborateurs en 2008, et 8 en 2010. Installée initialement sur le technopôle de Château Gombert dans les Bouches du Rhône, elle a concrétisé sa réimplantation à Fuveau près d’Aix-en-Provence en 2010 (source l’Usine Nouvelle 26 novembre 2010). Soit 26 km entre la localisation initiale et l’implantation finale.

Les exemples de BIOM’UP et SINPROSIS sont révélateurs des logiques d’évolution territoriales des petites biotechs. Dans ce segment, les processus d’ implantation d’entreprise se font par glissement intra-régional et sont caractérisées par une proximité forte par rapport à la localisation initiale.

On notera que toujours pour ces deux cas, les financeurs sont aussi locaux avec pour BIOM’UP (Mérieux Développement et SOFIMAC PARTNERS) et SINPROSYS (SCI détenue par la SEM du Pays d’Aix, le FIBM, la communauté du pays d’Aix, le conseil général, le conseil régional, entre autres).

Conviendrait-il alors de cibler des structures plus importantes ? Pas vraiment. L’exemple qui suit tend à le démontrer.

Le LFB (Laboratoire de Fractionnement et des biotechnologies) avec ses 375,7 Mlls d’euros de CA en 2009, a investi 20 Mlls d’euros pour produire sa dernière immunoglobuline injectable liquide ; ceci sur son site historique Lillois (source La Tribune 2 avril 2010). Un autre programme de développement de 30 Mlls a été planifié en 2010, mais toujours sur des sites existants de Lille 59 et des Ulis 91 (source identique). Même logique pour son partenariat avec SANOFI où le LFB renforce son unité d’ALES, tandis que SANOFI modernise son site de Vitry 94 (source La Tribune 24 novembre 2010).

Les stratégies spatiales d’expansion sont toutes calées sur des sites existants. Les démarches d’implantation d’entreprise sont ainsi fortement impactées dès lors que toute localisation industrielle ex nihilo est inexistante, venant encore complexifier le travail de l’agence de développement ou du consultant « chasseur d’entreprises ».

 

BIOTECHNOLOGIES : D’AUTRES OUVERTURES POSSIBLES POUR L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES

Face à un paysage semé d’embuches et qui va largement complexifier les processus d’implantation d’entreprises, le développeur pourra tenter d’orienter ses programmes de prospection sur des angles peut-être plus accessibles.

Ainsi, au-delà des entreprises du secteur des biotechnologies de la santé, qu’elles soient dites « majors » ou correspondant à un format plus modeste, un autre domaine mérite un ciblage attentif, à savoir celui des « medtechs ».

Plus clairement, il s’agit de structures spécialisées dans la réalisation de produits, systèmes ou dispositifs médicaux innovants. Ceci aux fins d’optimisation des technologies médicales, dans l’assistance aux gestes et aux pratiques médico-chirurgicales. Elles poursuivent l’objectif de contribuer à la mise en œuvre de traitements plus sûrs, plus efficaces et moins invasifs. Sont concernés à la fois les malades, les praticiens et les structures supports (organismes de santé, cellules sanitaires, institutionnels de gestion et de contrôle).

En matière de cibles de prospection le spectre est très ouvert.

La plus emblématique est peut être CARMAT à Vélizy 78,  ayant développé le premier cœur artificiel implantable. Un cours de bourse en hausse de + 570% depuis sa création et une pépite medtech valorisée à 490 Mlls d’euros (source le Figaro éco 14 mars 2012).

On pourra retrouver aussi toute une série de sociétés exceptionnelles de technologies et de capacité d’innovation telles que :

AAA – Advanced Accelerator Applications à St Genis Pouilly 01 : spécialisée dans la fabrication de FDG (marqueurs injectables pour le diagnostic de tumeurs cancéreuses)

CYCLOPHARMA à Saint-Beauzire  63 : fabrication de marqueurs nucléaires  (isotope &  vecteur) permettant un fixage tissulaire

MEDEX à St Priest 69 spécialisée dans les systèmes d’injection et les dispositifs médicaux.

EBC médical à MARCOUSSIS 91 : spécialisée dans le matériel d’examen de vue (lasers), de diagnostic et de chirurgie ophtalmique pour les professionnels de la vision.

SCIENT’X (Ideal Medical Products)  Voisins-le-Bretonneux 78 : spécialisée dans les implants du rachis. Implants chirurgicaux utilisés au niveau de la colonne vertébrale : lombaire, thoracique et cervical.

BOURSE : 10 valeurs françaises de la santé sur le secteur biotech en 2010.

  • Carmat +26,70 %
  • Medicrea +14,96 %
  • Genoway -5,46 %
  • Vivalis -13,72 %
  • Stentys -20,83 %
  • Transgene -33,05 %
  • AB Science -36,75 %
  • Genfit -42,36 %
  • Deinove -47,75 %
  • Nicox -63,35 %

 

 

RÉSUMÉ

La prospection sur le secteur des biotechnologies implique une démarche longue, coûteuse, incertaine voire hasardeuse. Seules les plus importantes agences de développement peuvent s’y risquer avec néanmoins un facteur de risque qui demeure élevé et des implantations d’entreprises qui restent rares. Même en cas d’issue favorable les résultats en termes d’emplois sont souvent faibles. Le secteur des MedTech apparait plus ouvert, à la fois en termes de résultat mais aussi quant à la nature même des activités et fonctions concernées. Les implantations d’entreprises sont plus fréquentes certes, mais relativement faibles sur le plan des créations de postes.