Prospection et implantation d’entreprises du secteur des éco-activités et des ENR (1)

 

LA DIFFICILE RÉALITÉ DU CONSTAT – LA DURE REALITE DES CHIFFRES.

Il était légitime de s’interroger à propos d’une filière systématiquement mise en avant, souvent choisie comme positionnement majeur par de très nombreuses collectivités territoriales et objet de toutes les espérances en matière de redéploiement économique.  Par dizaines nous pouvons compter les expériences visant aux éco-activités et les « emplois verts ». Tous les angles de captation de projets ont été mis en œuvre, souvent associés à des communications où fleurissent les images de panneaux photovoltaïques, d’éoliennes ou de containers de tris. Quel en est le constat en matière d’implantation d’entreprise ainsi que les volumes d’emplois créés consécutivement ? La carte ci-après, plus qu’un long discours, permet de revenir à la réalité en considérant les créations de postes associées aux éco-activités. Une analyse encore plus poussée conduira certainement à obtenir des chiffres encore inférieurs à ceux annoncés, dans la mesure où nombre de projets industriels ont été abandonnés en 2010. Derrière une sur-communication évidente, il apparaît impératif et urgent de trouver d’autres priorités, d’autres secteurs porteurs. Sauf à poursuivre – pour nos territoires – dans une surenchère effrénée et stérile.

 

 

 

LE CONSTAT SUR LA FILIÈRE PHOTOVOLTAÏQUE

La filière photovoltaïque a mobilisé beaucoup d’énergie, de grandes espérances, des études souvent lourdes de part et d’autre de la discipline (entreprises, collectivités, opérateurs divers de la filière). Cependant, et malgré  des communications permanentes et coûteuses, l’approfondissement de l’analyse laisse perplexe. En effet, du coté des emplois nouveaux, le bilan reste faible avec seulement 3200 postes créés (source ADEME). Pour ce qui concerne les  industriels de la filière, la France ne compte qu’une dizaine d’usines de fabrication de panneaux solaires, non intégrées verticalement et dont l’essentiel de la fonction d’assemblage s’opère à partir de composants produits à l’étranger. Dixit Nathalie Kosciusko-Morizet justifiant le moratoire de trois mois à propos du niveau des tarifs de rachat de l’électricité photovoltaïque par EDF sur les gros projets nationaux, « 90 % des panneaux solaires installés en France viennent de Chine. Cela ne profite pas à la création d’une filière industrielle nationale ». (source le Figaro Magazine du 24 décembre 2010). Les conséquences sur la balance des paiements seraient de l’ordre de 800 Millions d’euros. Plus en amont,  seulement deux unités en France sont dédiées à la production de cellules. La première, PHOTOWATT,  en santé précaire, est spécialisée dans  la fabrication de cellules conventionnelles (composés cristallins) très fortement consommatrices d’énergie pour la fonte des lingots. La seconde est spécialisée dans la technique des couches minces à propos desquelles des questionnements sérieux sont posés quant à la problématique du recyclage. Pour un secteur dit « des énergies vertes », il peut sembler un comble de mettre en relief ces deux problèmes cruciaux de l’énergie nécessaire à produire des composants intermédiaires et du traitement en fin de vie.  Par ailleurs, les tendances constatées sur l’aspect administratif n’incitent guère à plus d’optimisme. Une baisse de 12 % du tarif de rachat de l’énergie photovoltaïque cumulée à un crédit d’impôt ramené de 50 à 25 % pour les candidats investisseurs, le rapport CHARPIN a mis fin à la vie artificielle de la filière, laquelle devra trouver rapidement les ressources pour s’assumer et construire seule sa pleine crédibilité économique.

Les conséquences ne se sont pas fait attendre. La dynamique de la filière grâce aux projets en cours n’aura pas lieu. Tout du moins dans l’immédiat. Ainsi, les collectivités territoriales dont nombre d’entre elles s’étaient positionnées sur le domaine des  ENR (énergies renouvelables), enregistrent en cascade le gel de nombreux développements. Les deux unités de SolairDirect sont suspendues. Même sort pour First Solar ayant fait le tour de France des sites d’implantation, et déçu au passage les très nombreux candidats retoqués. A propos de ce dernier point, il serait intéressant de cumuler les centaines d’heures d’études, d’analyses, de propositions construites par les techniciens et autres consultants pour tenter de convaincre les porteurs du projet. Voltec ne réalisera pas son usine en Alsace tandis que Fonroche adopte la même stratégie pour son site du Lot -et-Garonne. Certes des projets intéressants peuvent être lancés tel que celui de Pierrefitte  (Deux-Sèvres), commune où EDF Energies Nouvelles vient de déposer un permis de construire pour un champ solaire qui couvrira 60 ha pour une puissance de 18 MW. Sur un site pollué (ancienne décharge d’explosifs), l’investissement global est de 60 M€. Mais les emplois une fois le chantier terminé seront faibles en volume, et la traduction industrielle pour le territoire proche du niveau zéro.

L’Europe n’est pas épargnée. Début avril 2012, le spécialiste du photovoltaïque Allemand Q-Cells s’est déclaré en faillite. En 2011, il a enregistré des pertes cumulées à environ 850 Milliards d’Euros. Ceci face à un chiffre d’affaires de 1 Milliard.  N’ayant pu trouver d’accord sur le rééchelonnement de sa dette, une procédure de redressement judiciaire s’est ouverte au tribunal de Dessau – ancienne RDA – (source enerzine.com 4 avril 2012). Désormais il devra se restructurer (2200 personnes employées), certainement dans des produits de niche et avec les dramatiques plans sociaux que l’on connait. Alors que l’on continue en Europe à courir après les initiatives économiques, l’implantation d’entreprise n’est plus une problématique d’actualité car on continue à fermer de nombreux sites, SOLON, SOLARHYBRID, SOLAR MILLENNIUM (source Les Echos, 3 avril 2012).

Que penser des distorsions colossales entre une tendance de fond, une communication tous azimuts, un marché où tout était à construire et où les résultats en matière de créations d’emplois manufacturiers restent à l’aune de ce qui était programmé ou espéré ? L’eldorado de l’implantation d’entreprise s’est évaporé aussi vite qu’il s’est imposé comme naturel à chacun, et en laissant un goût d’inachevé et de profonde désillusion.

 

A PROPOS DE L’ÉOLIEN

La France s’est imaginée avec près de 8000 éoliennes à l’horizon 2020, au rythme d’un volume de construction de l’ordre de 500 machines par an. Le grenelle affichait des ambitions fortes avec un objectif de triplement des emplois existants à 2012 soit 30000, puis un doublement à 2020 soit 60000 postes dévolus à l’énergie du vent.  Cependant, le vote de la loi Grenelle II au cours de l’été 2010 a fait s’effondrer  la plupart des espoirs de la filière.

L’effet « bulle » de ce type de phénomène était prévisible dès lors que trois phénomènes convergents étaient constatés. D’une part une filière soutenue très artificiellement, une ruée des opérateurs sur le domaine ainsi qu’une traduction quasiment insignifiante des emplois industriels en région. Localement les mâts plantés dans les campagnes soulevaient des vagues grandissantes de protestations, animées par les associations de préservation des paysages, auxquelles les élus concernés ont opposé des contreparties financières proposées par les opérateurs d’énergies. Ici ou là des parcs microscopiques ont vu le jour, traduisant les seules implantations économiques du secteur.

Avec un peu de recul et de discernement, le développeur économique et les élus doivent réellement s’interroger quant au bien-fondé et à la vraie cohérence de cette filière. Construire une dynamique de développement économique et rêver à un processus d’implantation d’entreprise hypothétique semblait prévisible.

Pour cela quelques simples interrogations sont à poser,

  • La France semble découvrir l’énergie éolienne alors que des pays tels que le Danemark ou l’Allemagne ont optimisé cette ressource depuis près de 40 ans ;
  • Ces mêmes pays disposent des plus grands spécialistes industriels en la matière, qu’il s’agisse des futs, des pales, des systèmes de gestion et de contrôle ainsi que de l’ingénierie associée ;
  • Sur l’ensemble des pays européens la France est le second espace le plus venté derrière la Grande Bretagne ; manifestement cette ressource naturelle gratuite n’en a pas fait un leader ;
  • Notre pays n’est pas non plus arrivé à faire émerger le moindre industriel en la matière. En effet, la France n’a qu’un seul fabricant d’éoliennes et il existe depuis déjà longtemps ;
  • dans un même temps, l’Europe enregistre chez les constructeurs-leaders, des plans sociaux conséquents et des pertes de volumes considérables. (VESTAS – Danemark, licencie 3000 collaborateurs,   GAMESA – Espagne perd quasiment la moitié de son volume d’affaires, General Electric Wind est sinistré) ;
  • Les contraintes du Grenelle II vont rendre drastiques toutes velléités en matière de créations de parcs. (cinq moulins minimum par site, établissement de schémas régionaux pour le ciblage des zones d’installation, statut d’établissement classé pour chaque parc, espace tampon de sécurité entre les éoliennes et les habitations de proximité.) Autant de contraintes qui vont conduire le marché vers l’effondrement.

A nouveau, il est possible de s’interroger sur l’incroyable engouement des agences de développement à caler leur dynamique de développement sur des domaines aussi fragiles et instables. Chez les collectivités territoriales,  une communication sur deux présente un panneau photovoltaïque, une éolienne ou une action éco-citoyenne. Nous sommes passés d’une stratégie fragile à une caricature marketing. La faiblesse patente des implantations d’entreprises nouvelles,  la triste réalité des chiffres liés à l’emploi et aux investissements du secteur, le durcissement du cadre légal sur un fond de crise impactant l’ensemble des investissements industriels et la disparition des leaders, viennent encore rappeler la réalité de ce secteur.

Certes, tout comme pour le secteur photovoltaïque,  des projets vont se concrétiser. Mais ils resteront à la marge. A titre d’exemple, la Bourgogne annonce la réalisation d’un troisième parc éolien. Vingt-sept machines seront édifiées dans l’Yonne pour 90 M€. Mais à nouveau, il convient de mesurer très précisément les retombées industrielles pour le territoire national. Mais

aussi se poser la question quant aux sept années de procédures juridiques nécessaires pour obtenir les autorisations administratives légales et purger tous les recours !

 

A la suite prochainement

LES COLLECTIVITÉS DOIVENT-ELLES ABANDONNER UN POSITIONNEMENT SUR LA FILIÈRE DES ENR ?

LES COLLECTIVITÉS DOIVENT-ELLES ABANDONNER LA FILIÈRE ENR ?