Evolution des stratégies de groupe : le cas DCNS

L’obligation d’un décryptage impératif et systématique des activités et compétences

Préambule

La recherche d’investisseurs et la prospection d’entreprises impliquent de bien connaitre les opérateurs enquêtés, qu’il s’agisse de leur profil, de leur nature d’activité, de leur stratégie de conquête de marchés et autres développements technologiques. La vie des entreprises, ainsi que leur évolution, a fortement évolué. Ainsi, et pour de nombreux cas, la démarche d’implantation d’entreprise ne se conçoit plus dans une logique visant à placer l’entreprise comme simple fabricant d’un produit donné. La seule association entreprise/produit n’est plus suffisante. Afin de bien appréhender les logiques d’implantation d’entreprises, il sera donc nécessaire de rester très attentif sur la vie économique et le jeu complexe des acteurs. Rester conscient qu’une entreprise peut évoluer très vite d’une filière à une autre, utiliser des savoir-faire pour des domaines très différenciés, organiser son implication sur un déroulé partiel, se spécialiser sur des systèmes plutôt que sur de simples produits, s’adosser à des partenaires complémentaires, ne s’impliquer que sur des fonctions amont, ou privilégier un verrouillage aval, à savoir ses marchés.


DCNS, un modèle en la matière

Le cas de la DCNS est révélateur des évolutions que l’on peut attendre de certains opérateurs économiques. Passer du naval militaire à la fabrication d’hydroliennes n’est pas dû au hasard. Ainsi, le développeur doit placer sa vision sur un spectre évolutif, intégrant – en plus des analyses basiques relatives à l’entreprise, ses produits et ses marchés – une réflexion liée aux métiers, aux compétences élargies, à la technologie, aux applications parallèles, connexes et déclinées, ainsi qu’aux marchés déportés.

DCNS reste l’exemple parfait d’une très belle évolution industrielle et d’un cas d’école typique pour illustrer le propos. Il est aussi révélateur de la complexité de lecture et d’analyse en matière de développement sectoriel stratégique et des conséquences relatives aux logiques de localisation et d’implantation d’entreprise.

DCNS constitue l’évolution des anciens arsenaux français et de la direction des constructions et armes navales (DCAN). Le groupe est spécialisé dans l’armement naval et plus spécifiquement dans la conception et la réalisation de bâtiments armés, de systèmes de combat et d’infrastructures portuaires. Il assure simultanément toutes les ingénieries liées à ces domaines de compétence ainsi que le maintien en condition opérationnelle des activités déployées, spécifiquement dans le domaine militaire.

L’État français en est actionnaire à hauteur de 64 %.


Première approche

DCNS demeure pour la plupart d’entre nous, un groupe positionné comme leader Européen du naval de défense, spécifiquement engagé dans la fabrication de sous-marins, de porte-avions et de frégates. Ses chiffres sont conséquents. Avec ses 13000 salariés et un carnet de commandes atteignant à fin juin 2012 plus de 14 Mds d’euros, le groupe est indiscutablement un opérateur national de premier rang et dont les résultats sont excédentaires (98 mlls de résultat courant sur un volume d’affaire de 1,4 Mds d’euros – 1er semestre 2012).

Le développeur économique aura tôt ou tard l’opportunité de s’intéresser à la dynamique de développement de ce groupe, désireux de capter des flux nouveaux d’activités. Ils se concrétiseront soit directement par une implantation d’entreprise nouvelle ou indirectement par apport de sous-traitance au tissu local.

Rapidement, et sur la base des activités initiales du groupe, les premières analyses effectuées conduisent à penser qu’aucune expansion significative n’est à prévoir, et ceci pour les raisons suivantes :

  • Les compétences du groupe DCNS s’exercent dans le domaine de la défense, donc de fait sur un secteur soumis à la souveraineté de l’état.
  • Quand bien même ces activités exigeraient une phase de redéploiement, on peut penser que celles-ci seraient réalisées sur des sites « défense » ayant eu à cesser toute activité, ou pour le moins réduire considérablement leur dimensionnement.
  • De plus, les activités militaires et de défense renvoient inexorablement à des stratégies de consolidation européenne. Pour DCNS, ceci est d’ailleurs constaté avec le projet de création d’une joint venture avec l’Allemand Atlas. En 2013, un leader européen dans le domaine des torpilles verra le jour. Conséquemment, l’espace de localisation d’activités industrielles nouvelles, donc d’implantation d’entreprises, se dilue dans le grand espace UE pour lequel chacun des membres peut prétendre à capter une quote-part d’activités souveraines.
  • De plus, début août 2010, le Premier ministre a communiqué les lettres de cadrage budgétaire qui fixent pour chaque ministère le plafond des dépenses pour 2013-2015.
  • Les investissements militaires sont particulièrement touchés et vont notamment connaître un sérieux ralentissement, en même temps que les effectifs se réduiront de 7200 postes.
  • Enfin, en dehors des ministères gagnants (éducation nationale – intérieur et justice), la défense apparait comme le ministère le plus touché avec six milliards de commandes qui vont être gelées et la suppression de 7200 postes sur l’année 2013.

 

En résumé, cinq lignes d’analyses peu encourageantes et indiscutables qui vont donc conduire le développeur à privilégier d’autres pistes de prospection.

Suite de l’analyse le Vendredi 21 Septembre 2012

 

L’obligation d’un décryptage impératif et systématique des activités et compétences

Préambule

La recherche d’investisseurs et la prospection d’entreprises impliquent de bien connaitre les opérateurs enquêtés, qu’il s’agisse de leur profil, de leur nature d’activité, de leur stratégie de conquête de marchés et autres développements technologiques. La vie des entreprises, ainsi que leur évolution, a fortement évolué. Ainsi, et pour de nombreux cas, la démarche d’implantation d’entreprise ne se conçoit plus dans une logique visant à placer l’entreprise comme simple fabricant d’un produit donné. La seule association entreprise/produit n’est plus suffisante. Afin de bien appréhender les logiques d’implantation d’entreprises, il sera donc nécessaire de rester très attentif sur la vie économique et le jeu complexe des acteurs. Rester conscient qu’une entreprise peut évoluer très vite d’une filière à une autre, utiliser des savoir-faire pour des domaines très différenciés, organiser son implication sur un déroulé partiel, se spécialiser sur des systèmes plutôt que sur de simples produits, s’adosser à des partenaires complémentaires, ne s’impliquer que sur des fonctions amont, ou privilégier un verrouillage aval, à savoir ses marchés.

DCNS, un modèle en la matière

Le cas de la DCNS est révélateur des évolutions que l’on peut attendre de certains opérateurs économiques. Passer du naval militaire à la fabrication d’hydroliennes n’est pas dû au hasard. Ainsi, le développeur doit placer sa vision sur un spectre évolutif, intégrant – en plus des analyses basiques relatives à l’entreprise, ses produits et ses marchés – une réflexion liée aux métiers, aux compétences élargies, à la technologie, aux applications parallèles, connexes et déclinées, ainsi qu’aux marchés déportés.

DCNS reste l’exemple parfait d’une très belle évolution industrielle et d’un cas d’école typique pour illustrer le propos. Il est aussi révélateur de la complexité de lecture et d’analyse en matière de développement sectoriel stratégique et des conséquences relatives aux logiques de localisation et d’implantation d’entreprise.

DCNS constitue l’évolution des anciens arsenaux français et de la direction des constructions et armes navales (DCAN). Le groupe est spécialisé dans l’armement naval et plus spécifiquement dans la conception et la réalisation de bâtiments armés, de systèmes de combat et d’infrastructures portuaires. Il assure simultanément toutes les ingénieries liées à ces domaines de compétence ainsi que le maintien en condition opérationnelle des activités déployées, spécifiquement dans le domaine militaire.

L’État français en est actionnaire à hauteur de 64 %.

Première approche

DCNS demeure pour la plupart d’entre nous, un groupe positionné comme leader Européen du naval de défense, spécifiquement engagé dans la fabrication de sous-marins, de porte-avions et de frégates. Ses chiffres sont conséquents. Avec ses 13000 salariés et un carnet de commandes atteignant à fin juin 2012 plus de 14 Mds d’euros, le groupe est indiscutablement un opérateur national de premier rang et dont les résultats sont excédentaires (98 mlls de résultat courant sur un volume d’affaire de 1,4 Mds d’euros – 1er semestre 2012).

Le développeur économique aura tôt ou tard l’opportunité de s’intéresser à la dynamique de développement de ce groupe, désireux de capter des flux nouveaux d’activités. Ils se concrétiseront soit directement par une implantation d’entreprise nouvelle ou indirectement par apport de sous-traitance au tissu local.

Rapidement, et sur la base des activités initiales du groupe, les premières analyses effectuées conduisent à penser qu’aucune expansion significative n’est à prévoir, et ceci pour les raisons suivantes :

Les compétences du groupe DCNS s’exercent dans le domaine de la défense, donc de fait sur un secteur soumis à la souveraineté de l’état.

Quand bien même ces activités exigeraient une phase de redéploiement, on peut penser que celles-ci seraient réalisées sur des sites « défense » ayant eu à cesser toute activité, ou pour le moins réduire considérablement leur dimensionnement.

De plus, les activités militaires et de défense renvoient inexorablement à des stratégies de consolidation européenne. Pour DCNS, ceci est d’ailleurs constaté avec le projet de création d’une joint venture avec l’Allemand Atlas. En 2013, un leader européen dans le domaine des torpilles verra le jour. Conséquemment, l’espace de localisation d’activités industrielles nouvelles, donc d’implantation d’entreprises, se dilue dans le grand espace UE pour lequel chacun des membres peut prétendre à capter une quote-part d’activités souveraines.

De plus, début août 2010, le Premier ministre a communiqué les lettres de cadrage budgétaire qui fixent pour chaque ministère le plafond des dépenses pour 2013-2015.

Les investissements militaires sont particulièrement touchés et vont notamment connaître un sérieux ralentissement, en même temps que les effectifs se réduiront de 7200 postes.

Enfin, en dehors des ministères gagnants (éducation nationale – intérieur et justice), la défense apparait comme le ministère le plus touché avec six milliards de commandes qui vont être gelées et la suppression de 7200 postes sur l’année 2013.

En résumé, cinq lignes d’analyses peu encourageantes et indiscutables qui vont donc conduire le développeur à privilégier d’autres pistes de prospection.

Seconde lecture

L’implantation d’entreprise nécessite le plus souvent de bien connaitre la vie des entreprises et certaines surprises sont souvent constatées.

Pour ce qui concerne DCNS, la seconde approche est révélatrice des approfondissements nécessaires à réaliser.

Ainsi, derrière un groupe tel que celui qui vient d’être décrit, on découvre des indicateurs surprenants. En particulier 45 Mlls d’euros fléchés depuis 2010 sur la diversification et plus de 100 Mlls de commandes consécutives à ces nouvelles orientations industrielles.

Dans les faits, DCNS a engagé depuis trois années un redéploiement de deux filières fortes :

Les EMR (énergies maritimes renouvelables) avec quatre applications technologiques innovantes :

L’hydrolien

L’éolien offshore

L’énergie thermique de la mer

Le houlomoteur

… et le nucléaire civil, avec la conception de mini centrales immergées. Il s’agit de petits réacteurs dédiés aux espaces isolés des grandes zones de production et d’alimentation d’énergie nucléaire.

Les premiers succès sont d’ailleurs au rendez-vous avec un volume d’affaires atteignant plus de 30 mlls depuis 2011, 100 Mlls de commandes enregistrées et une projection pour 2020 à 1,5 Mds d’euros pour la seule spécialisation « énergie » du groupe.

Passer du sous-marin à la production d’énergie en mer n’a rien d’aléatoire. C’est fondamentalement une mutation industrielle profonde et planifiée dans la durée. Un processus évolutif à valeur d’exemple pour le développeur dans ses démarches de prospection, et qui illustre les mutations profondes de nombreux groupes industriels en Europe et dans le monde.

Dans les faits

DCNS dispose de 14 sites industriels. En seulement trois ans, 4 nouveaux sites sont envisagés ou planifiés, dont Cherbourg et Brest, principalement dédiés à la fabrication d’hydroliennes pour le premier et d’éoliennes en mer pour le second.

Des implantations industrielles nouvelles, presque inattendues. Dès lors, pourquoi ne pas envisager d’autres initiatives où certaines logiques partenariales pourraient être concernées avec AREVA en Bourgogne et le CEA à Grenoble ?

De plus, et au-delà de la production, l’innovation est forcément renforcée. A nouveau, une vraie dynamique de développement tirée vers le haut avec la création de DCNS Research et ses 120 ingénieurs et techniciens qualifiés.

Et une nouvelle approche par métiers

Alors que l’analyse est initialement partie des produits du groupe (Sous-marins et porte-avions), elle a évolué vers de nouvelles lignes d’autres produits, très éloignés des domaines d’applications initiaux (défense, sécurité, frégates, etc.). C’est en fait les technologies des milieux d’évolution qui on été suivies. En particulier des milieux contraignants comme les courants maritimes, les vents, les marées, la météorologie, l’hydrologie, qui permettent de décliner les « savoir-faire métiers ». C’est prioritairement ces angles d’approche et d’investigation que devra repérer le développeur. Quelques exemples : la soudure, la corrosion, les vibrations, l’étanchéité, la stabilité, l’alimentation électrique, le stockage énergétique, l’ingénierie de mise en œuvre, la sécurité des installations, la maintenance.

L’internationalisation du groupe

Un point qui viendra à nouveau complexifier la démarche du prospecteur. Comment convaincre un groupe tel que DCNS à investir en France pour y concrétiser des implantations nouvelles ?

Le groupe va aller chercher sa croissance au-delà des frontières. Cette internationalisation se concrétise à chaque opération par des créations de filiales et des partenariats (Inde-Maroc-Brésil).

Il reste pour la France quatre objectifs clés pour conforter l’ancrage de ces fleurons :

Forcer la dynamique d’implantation sur de la très haute performance technologique.

De laquelle naitront et se multiplieront les opérations tests (programme « sea the future » avec le pilote expérimental d’hydroliennes au large de Paimpol-Bréhat, à la fois orienté sur la maîtrise technique mais aussi sur le bilan économique de la production d’électricité grâce à l’énergie de la houle.

Maintenir en France la fabrication de pièces et systèmes fondamentaux, celles qui exigent des niveaux de performance absolus.

Raisonner sur une consolidation européenne, qu’il s’agisse de défense bien sûr mais aussi de la production d’énergie.